Les réseaux sociaux et le sentiment de solitude : comment préserver notre bien-être numérique ?

Les réseaux sociaux sont souvent présentés comme des outils facilitant la connexion entre les personnes, permettant de maintenir des liens et de partager des moments de vie. Pourtant, la recherche scientifique, notamment les travaux menés par l’Équipe de recherche sur la santé et le bien-être numérique, montre que leur utilisation peut aussi renforcer le sentiment de solitude, en particulier chez les jeunes adultes.
Au-delà de l’inconfort qu’elle engendre, la solitude représente un enjeu majeur de santé publique. La solitude chronique est en effet associée à un risque accru de mortalité, comparable à celui du tabagisme ou de la sédentarité. Il est donc essentiel de réfléchir aux façons d’utiliser les réseaux sociaux pour qu’ils nourrissent nos relations plutôt que d’aggraver l’isolement.
Comment éviter que les réseaux sociaux ne deviennent une source de solitude ? Les études actuelles suggèrent qu’une approche multidimensionnelle est nécessaire, reposant sur trois éléments clés : un usage conscient, la qualité des interactions et l’équilibre entre relations en ligne et hors ligne. L’objectif est de maximiser les bénéfices des réseaux sociaux tout en limitant leurs effets négatifs sur notre bien-être psychologique.
Adopter un usage conscient des réseaux sociaux
Une utilisation réfléchie des réseaux sociaux peut contribuer à atténuer leurs effets néfastes sur la santé mentale (Pathil et al., 2024). Voici quelques stratégies issues des recherches récentes :
- Limiter le temps d’écran : Définir des périodes d’utilisation et prévoir des moments sans réseaux sociaux permet de réduire les risques liés à l’utilisation des réseaux sociaux, comme la comparaison sociale. Les jeunes adultes qui régulent leur temps d’écran rapportent significativement moins de solitude que ceux qui ne s’imposent aucune limite (Mikami et al., 2024; Pathil et al., 2024; Yildirim et al., 2023).
- Adopter un regard critique sur le contenu visionné : Les contenus consommés influencent directement notre bien-être (Khan et al., 2024). Certaines publications peuvent nourrir l’anxiété ou l’autodévalorisation, tandis que d’autres favorisent l’inspiration et le bien-être. Il est recommandé de prendre du recul et de se poser les bonnes questions : ce contenu me fait-il du bien ? M’encourage-t-il ou me pousse-t-il à me comparer aux autres ? Privilégier des contenus positifs et éviter ceux qui génèrent des émotions désagréables est une approche clé pour une utilisation plus équilibrée des réseaux sociaux (Pathil et al., 2024).
- Privilégier les interactions actives : Faire défiler son fil d’actualité passivement a été associé à la présence d’un sentiment de solitude chez les jeunes adultes. À l’inverse, commenter, poser des questions et interagir avec intention renforce le sentiment de connexion et de satisfaction. Des études ont démontré que l’engagement actif sur les réseaux sociaux diminue le sentiment de solitude, particulièrement en période d’isolement, comme durant la pandémie de COVID-19 (Juriansz & Lamba, 2023).

Favoriser des interactions de qualité
Les réseaux sociaux offrent la possibilité de créer des liens significatifs, mais encore faut-il les utiliser dans l’optique de générer des interactions de qualité. Une interaction numérique de qualité se caractérise par des échanges en ligne respectueux, significatifs et bénéfiques pour les personnes impliquées. Ces interactions, authentiques et constructives, apportent une valeur ajoutée et favorisent un engagement actif. :
- Entretenir des échanges authentiques : Il ne suffit pas d’accumuler des « j’aime » pour se sentir connecté·e aux autres. Cultiver des conversations sincères et du soutien mutuel en ligne renforce le sentiment d’appartenance et diminue la solitude chez les jeunes adultes (Pathil et al., 2024).
- Rejoindre des communautés bienveillantes : S’impliquer dans des groupes partageant des intérêts communs peut renforcer le lien social et aider à briser l’isolement (Khan et al., 2024). À l’inverse, suivre des communautés où dominent la négativité et les échanges irrespectueux peut générer de la détresse psychologique et un sentiment de solitude accru. Il est donc essentiel de prioriser des espaces d’échange qui encouragent des interactions respectueuses et positives.
Trouver un équilibre entre les relations en ligne et hors ligne
Les réseaux sociaux sont précieux pour entretenir les liens avec nos proches, mais pour éviter un effritement des relations sociales et l’apparition de la solitude, ils ne devraient pas remplacer les rencontres en personne (Kumar, 2023; Yildirim et al., 2023).
- Ne pas se limiter aux échanges virtuels : Les appels vidéo et les messages facilitent le contact, mais ne remplacent pas la richesse des rencontres physiques. Planifier des sorties, des activités ou simplement un café avec un·e ami·e permet d’approfondir les liens et de répondre au besoin fondamental de connexion humaine directe (Yildirim et al., 2023).
- Utiliser les réseaux sociaux comme tremplin pour des interactions réelles : Les plateformes numériques peuvent être un moyen efficace d’organiser des rencontres en personne. Participer à des événements, créer des occasions de se voir et transformer des contacts virtuels en relations réelles enrichissent considérablement le tissu social (Pathil et al., 2024).
- Valoriser la qualité des échanges : L’important n’est pas seulement d’être en contact avec les autres, mais de privilégier des interactions sincères et enrichissantes. Un simple « like » ne remplace pas une vraie conversation. Prendre le temps d’échanger en profondeur, même en ligne, permet de renforcer les liens sociaux et de diminuer la solitude.
Maintenir un équilibre entre les interactions numériques et les moments vécus en dehors des écrans est essentiel pour profiter des avantages des réseaux sociaux tout en cultivant des relations authentiques et durables.
Le rôle des plateformes dans la prévention de la solitude
Les concepteurs de réseaux sociaux ont également une responsabilité dans la manière dont leurs plateformes influencent notre santé mentale. Certaines initiatives peuvent aider à réduire les effets négatifs de ces outils :
- Transparence des algorithmes : Mettre en avant du contenu favorisant le bien-être plutôt que les comparaisons sociales nuisibles pourrait améliorer l’expérience des utilisateur·trice·s. Une plus grande transparence sur les algorithmes permettrait aussi de mieux comprendre comment ces plateformes influencent notre consommation de contenu (Casilao & Salapa, 2024; Zhang et al., 2023).
- Un design favorisant l’interaction plutôt que le défilement passif : Il serait préférable de privilégier des fonctionnalités incitant à l’interaction, plutôt que celles favorisant le défilement passif. En concevant un design qui encourage activement les interactions, on pourrait prévenir l’impact négatif de l’utilisation passive sur l’apparition de la solitude (Valentine et al., 2019; Yu, 2024).
- Encourager l’engagement positif : Les réseaux sociaux devraient mettre en place des outils de modération efficaces et valoriser le contenu qui soutient le bien-être mental. La création d’espaces d’échange sécuritaires et inclusifs est une voie essentielle pour favoriser des interactions respectueuses et constructives (Barnea-Goraly et al., 2025; Casilao & Salapa, 2024).
Si ces recommandations ne sont pas toujours adoptées par les concepteurs de plateformes, les utilisateur·trice·s peuvent néanmoins choisir des réseaux qui mettent en place ces bonnes pratiques et s’adapter en conséquence.
Vers une utilisation équilibrée des réseaux sociaux
Les réseaux sociaux peuvent être un outil puissant pour renforcer les liens sociaux, mais ils comportent aussi des risques pour le bien-être mental. Tout dépend de la manière dont ils sont utilisés.
En adoptant une approche plus consciente, en cultivant des interactions de qualité et en maintenant un équilibre entre le virtuel et le réel, il est possible de profiter des avantages des réseaux sociaux sans en subir les effets négatifs. Développer des habitudes numériques équilibrée et accorder une place centrale aux relations sont des leviers essentiels pour préserver notre bien-être dans un monde toujours plus connecté.
En savoir plus
Les résultats de ce projet s’inscrivent dans la lignée des initiatives Connexion de l’Équipe SBEN. Ces projets visent à mieux comprendre la relation complexe entre les activités en ligne et le sentiment de solitude accru chez les jeunes adultes. En plus d’explorer les dynamiques à l’œuvre, les initiatives Connexion ont pour objectif de dégager des pistes de solution concrètes pour favoriser un usage numérique plus équilibré et promouvoir un meilleur bien-être social et émotionnel. Pour en savoir davantage sur nos travaux et découvrir nos recommandations, suivez-nous sur nos différentes plateformes et restez à l’affut des nouvelles parutions sur SBEN.ca!
Références
Barnea-Goraly, N., Richter, S., Katiyar, S., & Locane, J. (2025). Girltelligence: A safe and supportive social community app for teen girls and young women. First Monday. https://doi.org/10.5210/fm.v30i1.14114
Casilao, L. B., & Salapa, A. C. (2024). Dual Effects of Social Media on Adolescent Mental Health: A Systematic Review on Philippine Context. Cognizance Journal, 4(12), 358–371. https://doi.org/10.47760/cognizance.2024.v04i12.034
Mikami, A. Y., Khalis, A., & Karasavva, V. (2024). Logging out or leaning in? Social media strategies for enhancing well-being.Journal of Experimental Psychology: General. https://doi.org/10.1037/xge0001668
Pathil, J. M., Kabeer, F., Anas, A. P., TB, V., & Binny, S. (2024). The Mindful Matrix: Exploring Social Media’s Influence on Mental Wellbeing.Deleted Journal. https://doi.org/10.47392/irjaem.2024.0530
Pittman, M., & Reich, B. (2016). Social media and loneliness.Computers in Human Behavior. https://doi.org/10.1016/J.CHB.2016.03.084
Kumar, R. (2023). Loneliness, Social Support, Internet Addiction and Emotional Support amongst Young Adults.International Journal of Science and Research. https://doi.org/10.21275/mr23522110400
Juriansz, S. N., & Lamba, N. (2023).Loneliness Online: Social media interaction decreased loneliness in young adults during recommended social isolation.https://doi.org/10.31219/osf.io/b549s
Valentine, L., McEnery, C., D’Alfonso, S., Phillips, J., Bailey, E., & Alvarez-Jimenez, M. (2019). Harnessing the Potential of Social Media to Develop the Next Generation of Digital Health Treatments in Youth Mental Health. Current Treatment Options in Psychiatry, 6(4), 325–336. https://doi.org/10.1007/S40501-019-00184-W
Yu, X. (2024). Analyzing the Mitigation of the Negative Impact of Passive Social Media Use. Lecture Notes in Education Psychology and Public Media. https://doi.org/10.54254/2753-7048/47/20240893
Zhang, C. C., Zaleski, G., Kailley, J. N., Teng, K. A., English, M., Riminchan, A., & Robillard, J. M. (2023). Debate: Social media content moderation may do more harm than good for youth mental health. Child and Adolescent Mental Health. https://doi.org/10.1111/camh.12689